« Tiens, regardez-moi cet imbécile ! Il ferait mieux de nous aider à éponger au lieu de se pavaner dans la rue. »
Le 12 juin 2018, j’ai reçu cette phrase comme un électrochoc : je ne voulais plus être maire, je ne me représenterais pas.
Depuis 5 heures du matin, avec mes équipes, nous étions sur le pied de guerre pour limiter les dégâts causés par la crue du ruisseau qui traverse Saâcy-sur-Marne, le village dont je suis le maire. Malgré nos efforts, une vague de boue avait finalement envahi la commune. C’était grave, mais le pire avait été évité. J’étais le maire de ce village, et si les caves étaient inondées, c’était entièrement ma faute…
Tout mon engagement au service de ma commune venait de voler en éclats.
Je ne voulais plus de cette lutte quotidienne, pris en étau entre les exigences toujours plus grandes des administrés et le désengagement notoire de l’État. Je n’en pouvais plus d’essayer de faire mieux avec moins, d’endosser toujours plus de responsabilités avec moins de reconnaissance. Je n’avais plus le courage de continuer.
Dans cet ouvrage, j’ai voulu restituer la vie quotidienne du jeune maire d’une commune de 1 800 âmes, mon expérience du terrain, mes indignations comme mes joies, ma solitude face à l’État absent ou incompréhensible, ma souffrance devant l’égoïsme des administrés et la violence de la fonction, mes satisfactions aussi, quand je réussis à améliorer la vie du village, ma lutte pour faire revenir des commerçants, pour réhabiliter les rues, renforcer la sécurité…
Les maires sont les premiers témoins de l’évolution de notre société et, pour beaucoup, il s’agit même du plus beau mandat de notre République. Je souhaite que mon témoignage, mes suggestions fassent qu’ils soient mieux entendus et, bien sûr, davantage soutenus par leur village, par leur ville, par l’État.
Pierre-Emmanuel Bégny